Nouvelles de Veracruz

Florentine Lamarche et Alexandre Ovize développent une pratique engagée résolument hybride et éclatée qui mêle art et artisanat. Véritables enquêtes plastiques, leurs œuvres s’élaborent par assemblage et dévoilent une compilation de références puisant à la fois dans le quotidien, la culture populaire, ou encore l’histoire de l’art. Chez eux, le dessin est omniprésent. Il permet à la pensée d’exister sous forme d’esquisses et de notes. Il se propage sur les murs et d’autres supports – céramique ou tapisserie- dans une douce et foisonnante excentricité.

Avec comme toile de fond la fin du XIX^e siècle, leur nouveau projet entremêle plusieurs récits : les artistes convoquent deux figures de cette période intense, William Morris, père du socialisme et fondateur du mouvement Arts & Crafts, et Élisée Reclus, géographe libertaire acteur de la Commune. Ces deux hommes, qui ont correspondu, n’ont jamais pu se rencontrer pour hybrider leurs visions utopiques : l’exposition exauce le vœu de cette rencontre.

Nouvelles de Veracruz : ce titre pourrait être celui d’un roman d’aventures. Veracruz, ou l’exotisme moite d’une cité coloniale devenue port de la marine militaire mexicaine. En posant le décor imaginaire de leur exposition dans cette ville, Florentine & Alexandre Lamarche-Ovize intègrent la dimension biographique, revue au prisme d’une histoire plus globale : en effet, les artistes ont récemment produit des céramiques au Mexique, exposées au premier étage du Grand Café, des pièces revenues en Europe par bateau depuis Veracruz, port qui fut autrefois relié à Saint-Nazaire par une liaison transatlantique. Étrange coïncidence : un groupe de Communards a tenté d’implanter là-bas une communauté, sans y parvenir. Or, c’est précisément cette période de la fin du XIX^e siècle qui a inspiré aux artistes leur projet nazairien. À la faveur des hasards de l’Histoire et des connexions géographiques inattendues, Lamarche-Ovize élaborent au Grand Café un récit graphique aux qualités gigognes, réceptacle de plusieurs espace-temps.

Sous couvert de formes innocentes — bouquets de fleurs, scènes de genre bucoliques ou motifs décoratifs, Lamarche-Ovize explorent le pouvoir d’un langage visuel codé, bien plus engagé qu’il n’y paraît. De ce voyage à travers les motifs décoratifs et de cet univers faussement naïf, naît une réflexion acérée sur la pensée révolutionnaire et les formes qui l’incarnent : une chronique subversive sur la valeur du travail, la géopolitique et les liens essentiels entre écologie et philosophie, en prise directe avec le monde d’aujourd’hui.

Éva Prouteau, critique d’art